TEATRO DEL TORO

Une représentation théâtrale esthétique et tragique de la souffrance animale à travers le spectacle de la corrida.

Série Lauréat du Prix SOPHOT 2016, Photographie Sociale. Exposition à la Galerie Fait & Cause, Paris, Mai 2016

Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un projet photographique sur le long terme ayant pour thème l’Animal déplacé de son milieu naturel, ses modes d’adaptation à son nouveau milieu de vie et ses relations avec l’homme. En Occident, nous sommes quotidiennement confrontés aux répercussions du règne de l’homme sur l’animal : consommation de viande, de poissons et de produits d’origine animale, graisses…cosmétiques, objets en cuir / animaux domestiqués / animaux maintenus en captivité…animaux assassinés…et en toute légalité. De nos jours, en France, environ 700 taureaux sont tués chaque année dans les arènes. Pour ces photographies, j’ai voulu une forme particulièrement marquée qui propose de donner à voir la réalité comme une fiction, tout en accentuant le caractère grotesque et cruel du spectacle de la corrida. Les couleurs deviennent maîtresses comme autant d’effets imaginaires résonnant aux cris silencieux du Toro. NO ! Dans l’arène, le spectacle devient alors théâtre d’effigie. Les moments du combat que j’ai choisis de montrer tendent tous à proposer une forme de déréalisation de la réalité qui accentue la dimension de la mise en scène de la mort gratuite d’un animal par des personnages dont la gestuelle et la posture peuvent davantage faire penser à un théâtre de marionnettes qu’à un spectacle déroulant un rituel dit «culturel» qui se veut fier et codifié. C’est aussi dans cette perspective que j’ai choisi de ne pas montrer le public présent dans l’arène. Picadors, banderilleros, matadors ou encore areneros se mouvant comme autant d’automates répétant le même rituel six fois de suite…dans une même corrida ce sont six taureaux qui sont mis à mort. Si en 2016, la corrida n’est toujours pas interdite, elle est passée de mode et son public se fait de moins en moins nombreux qui préfère aller assister à des courses camarguaises ou encore aux course de Recordatores – spectacle acrobatique où des hommes sautent par dessus le taureau sans qu’aucune goutte de sang ne soit versée. Pour rappel, les spectacles tauromachiques ne sont autorisés que dans trois pays ou régions d’Europe : l’Espagne, le Portugal et le sud de la France. En France, c’est l’article 521-1 du code pénal qui réprime les sévices et les actes de cruauté envers les animaux mais qui fait une exception pour les courses de taureaux et les combats de coqs « lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».

En juin 2015, la Cour d’Appel de Paris a donné raison aux associations de protection des animaux en radiant la corrida du patrimoine culturel immatériel de la France. Pour finir, rappelons qu’il y a déjà plus de 150 ans, Victor Hugo, comme d’ailleurs d’autres de ses contemporains, s’était indigné du spectacle de la corrida : « Torturer un taureau pour le plaisir, pour l’amusement c’est beaucoup plus que de torturer un animal, c’est torturer une conscience ! »